Le vendredi 9 juin de 13H30 à 17H, le Dispositif Spécifique Régional du Cancer (DSRC) ONCORIF, le Cancéropôle Île-de-France et les 5 UCOGs franciliennes ont coanimé un webinaire sur le sujet de la sensibilisation au dépistage de la fragilité et au parcours de soins en oncogériatrie.
A l’issue de ce webinaire où le succès fut au rendez-vous (18 intervenants et 100 participants), la journaliste de HOSPIMEDIA, Perrine Debacker a publié un article :
De nouveaux outils appuient la recherche sur le repérage des fragilités en oncogériatrie.
Désormais obligatoire dans le cadre de la réforme des autorisations, l’évaluation gériatrique est essentielle au parcours du patient âgé atteint de cancer. La recherche clinique reste un enjeu important et s’appuie sur le G8 modifié ou le G-code.
Le repérage de la fragilité du sujet âgé atteint de cancer est plus que jamais une étape incontournable du parcours de soins. D’autant que l’organisation de son dépistage fait partie des critères transversaux devenus opposables avec la réforme de l’autorisation de traitement du cancer. “L’évaluation gériatrique approfondie (EGA) modifie la décision thérapeutique dans 20 à 30% des cas, c’est énorme”, souligne le Dr Djamel Ghebriou lors d’un webinaire sur le sujet organisé le 9 juin par le dispositif spécifique régional du cancer francilien Oncorif, le cancéropôle Île-de-France et les cinq unités de coordination (Ucog) en oncogériatrie franciliennes. L’oncologue à l’hôpital Tenon (Paris) constate qu’il existe encore des chirurgiens réfractaires qui ne sollicitent pas le gériatre. Le repérage des fragilités avant une décision thérapeutique a pourtant fait ses preuves, notamment avec le G8, outil le plus largement utilisé.
Une utilisation du G8 bien diffusée
Réalisable en moins de cinq minutes par n’importe quel médecin, infirmier en pratique avancée (IPA) ou infirmier formé, la grille permet avec ses huit items d’évaluer le besoin de réaliser une EGA. Elle ne présage cependant pas de la complétude de l’évaluation. “Depuis quelques années, cette échelle a permis de faire prendre conscience aux professionnels de faire attention aux a priori sur les personnes âgées, avec des patients qui avaient l’air bien mais qui sont en fait très comorbides”, souligne le Dr Éric Dupuy-Dupin, médecin au CH de Bligny (Essonne). Le repérage des fragilités permet, en orientant le patient vers une évaluation spécialisée pluriprofessionnelle, de limiter certaines complications : mortalité précoce, toxicité des traitements anticancéreux, complications postopératoires…
Sur le groupe hospitalier Henri-Mondor à Paris, plus de 400 patients sont évalués chaque année sur demande du médecin généraliste, du spécialiste d’organe, de l’oncologue, du chirurgien ou du gériatre. “L’évaluation gériatrique peut intervenir avant le diagnostic, avant le traitement, on peut aussi nous poser la question en cours de traitement s’il est moins bien toléré que prévu ou après le traitement”, décrit la Pr Marie Laurent, coordinatrice gériatrique de l’Ucog Sud-Val-de-Marne. Elle souligne l’importance de préciser la question posée avec le projet thérapeutique envisagé et de ne pas demander un vague “avis gériatrique” dans les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP).
D’autres outils pour faciliter les essais cliniques
Dans les travaux de recherche en oncogériatrie, il n’existe pas de recommandations sur la méthodologie pour stratifier les essais en fonction des outils de repérage de la fragilité comme le G8 ou le VES13, constate le Dr Philippe Caillet, gériatre à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Il note que le G8 reste l’outil le plus facilement utilisé pour stratifier les essais, par exemple pour la vaste étude Aster sur le cancer du sein chez les patientes âgées de plus de 70 ans. “C’est un sujet dont doivent s’emparer les sociétés savantes”, estime le médecin. Un autre outil de dépistage des fragilités a été conçu : le G6 ou G8 modifié, sur lequel a porté le travail de la Dr Claudia Martinez-Tapia, épidémiologiste à l’hôpital Henri-Mondor. La spécificité du G6 apparaît meilleure que celle du G8, avec une aire sous la courbe Roc (ou Area Under the Curve, AUC passant de 86,5% à 91%. Le nouvel outil a été validé sur une population indépendante de celle utilisée pour son développement. “Les résultats sont en faveur du G8 modifié, qui est un outil approprié pour identifier plusieurs profils suggérant un état de fragilité”, estime la chercheuse.
Le G8 modifié comprend six items indépendants : perte de poids, problèmes neuropsychologiques, statut fonctionnel, état de santé perçu, polyprescription et existence parmi les antécédents d’une insuffisance cardiaque ou coronaropathie. L’utilisation du G6 doit être encouragée en oncologie gériatrique, selon Claudia Martinez-Tapia, car il a des performances plus élevées par rapport au G8 d’origine, notamment dans le cas où un instrument de repérage ou dépistage n’est pas utilisé. Pour la Pr Elena Paillaud, coordinatrice de l’Ucog Paris-Ouest, la difficulté réside dans le fait que le G8 est très diffusé dans la pratique courante : “Parler d’un autre outil peut être déroutant, mais libre à chacun d’utiliser l’un ou l’autre.”
Une mini-EGA, le meilleur test de dépistage ?
Le G8 a une limite : la sensibilité et la spécificité attribuent la même valeur aux conséquences d’un diagnostic incorrect, alors que celui-ci représente une perte de chance pour les faux négatifs et des ressources mal utilisées pour les faux positifs, souligne Adolfo Gonzalez Serrano, doctorant à l’université Paris-Est-Créteil. “L’EGA pour tous les patients conduirait à de meilleures décisions et offrirait les avantages plus élevés s’il y avait un degré de préoccupation pour le sujet âgé fragile.” L’évaluation gériatrique nécessite cependant du temps et n’est pas applicable dans les essais cliniques, notamment car les données recueillies ne sont pas uniformisées. Le G-code pour Geriatric Core Data Set, développé par l’équipe d’Elena Paillaud en 2019, permet d’établir une évaluation gériatrique standardisée minimale, consensuelle dans les essais cliniques en oncogériatrie. Elle repose sur sept items avec des outils de mesures validés et reproductibles : environnement social, statut fonctionnel, mobilité, statut nutritionnel, statut cognitif, statut thymique et comorbidités. “L’outil a été validé pour la recherche clinique, et permet de comparer des études et de les fusionner plus facilement”, conclut la professeur.
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